Conférence de Pascal DUBIE, ethnologue du quotidien le mercredi 30 octobre 2024 19h
« Une longue jeunesse est devant les choses »
La Grande Vie de Roger Bordier 1981
Pascal Dibie, autour de l’exposition » Curiosité. Voyage dans nos réserves », nous a proposé un voyage initiatique à travers les objets qu’il a étudié : la chambre à coucher avec ses draps ou sa couette, le fauteuil et le bureau, la porte.
Cet ethnologue malicieux, a publié de nombreux livres, s’attache à étudier notre relation aux endroits dans lesquels évoluent les objets de notre quotidien.
Commençons par l’Ethnologie de la chambre à coucher, un de ses livres références, nouvelle porte sur l’intime universel. Pour découvrir cet écrit, on a commencé par le haut du musée, avec les œuvres de Bouchet. « Le Bouchet, façon Fragonard » questionne la chambre à coucher, une invention récente qui se répand au XVIIe siècle en Europe. Apparait alors la société à couette (en France, c’est dans le nord jusqu’à Metz.) ou à draps (Metz, vers le sud). La notion de dormir la nuit est récente, car chaque civilisation fait reposer l’un septième du poids du corps qu’est le cerveau différemment. Il y a donc les sociétés à sieste et à nuit. Ce sont des temps de repères de repos différents. En France, jusqu’à la fin du XIXe siècle, dormir la nuit est une vraie question. La France rurale, pour être en sécurité dormait en collectif.
De tout temps, on recherche du confort pour se reposer. La notion de dormir la nuit est très particulière, c’est apparut au XIVe siècle avec la guerre de 100 ans et la peste : c’est une histoire politique. La bourgeoisie fait scission avec la noblesse, pour vivre à sa façon. Mais elle copie cette dernière : la notion de « privatus » rentre en société. On montre le corps. Dans la chambre, les hommes pleurent et les femmes écrivent.
Au XIVe, la porte se ferme à clef. Les pièces se spécialisent à partir de ce siècle avec un système de prestige : la salle de bain est à la mode.
Au XVIe, en Italie, « appartementemento » façon d’habiter a plat rentre dans les mœurs. La présence d’étranger dans la famille va gêner.
Au XVIIe siècle, toute maison à Paris a trois ailes : aile de monsieur et aile de madame avec une parade.
Au XIXe, on met en scène la chambre à coucher.
Au XXe siècle, Pasteur fait peur des chambres et des virus. On impose alors le « lit de 9 m2 à 60 CMS du mur ».
Ensuite, nous sommes passés au premier étage pour regarder des natures mortes, qui font de notre pays ce qu’il est, un pays de contemplation. La nature morte est une histoire étrange du vivant et du non-vivant. Des tableaux où on voit des objets accumulés qui n’ont rien à voir les uns avec les autres ; montrent la vanité de la richesse. À partir du Ve siècle, ce courant pictural disparaît pour revenir au 15e siècle par les Anglais qui nomme cela le « Style Life ». La nature morte démontre la vanité. La seule dextérité pour le peintre, c’est de conceptualiser plus vite que la mort. Pour se rendre sensible, il faut aller plus vite que les vers, quand on peint une nature morte. La nature morte permet de travailler la peinture : pour Jardin, c’était d’avoir une description précise de la nature. Pour Durere avec ses touffes d’herbe, c’est de restituer la nature sans la voir. Pour Arcimboldo, c’est une autre histoire. C’est montrer le maniérisme de son temps dans une fixation de visages en choses.
Sur le même étage, nous avons fait un tour du côté du salon, pour voir le fauteuil et bureau. L’histoire du bureau est une jolie histoire. Le bureau, cette « petite table à écrire » avec sa layette (pour poser les plumes) ou de « bonheur des dames », une table qui se transforme en table de toilette, avec la bure. La bure est le point de départ de la notion de bureau : c’est un bout de toile qu’on mettait sur une table pour compter l’argent. Ensuite, on a fixé cette toile sur la table et cela a fait le mot bureau. Le buvard a été inventé avant le papier, puisque ce dernier en France était de très mauvaise qualité. On a amélioré l’écrit grâce à la plume en argent, et cela faisait moins de bavures sur le papier, on pouvait écrire avec une page et demie. La notion de bureau est née. Le Fauteuil a commencé sa révolution au XVIIe siècle, c’est un élément essentiel chez les bourgeois et les nobles. Boule fait des œuvres d’art à travers le fauteuil. Tout ce monde commence à s’asseoir. Jusqu à la révolution hydraulique, il n’y avait pas de confort. Le fauteuil a alors pris une forme particulière. Par exemple, être président, c’est celui qui est assis devant tout le monde. Le fauteuil est le symbole de système hiérarchique à travers l’histoire. Fin XIXe, c’est le début du design par la bourgeoisie et son éducation au mobilier. Le rond-de-cuir recherche du confort.
On finit par le rez-de-chaussée avec une lithographie japonaise de porte. La porte, ce patrimoine matériel si banal mais riche en significations et accès à tous les imaginaires, où les portes sont très différentes d’un continent à l’autre. La porte, au Japon, est en papier. Rentrer dans une maison, c’est de ne pas fâcher les mauvais génies. En Chine, les maisons n’ont pas d’entrées directes il y a une chicane. En Asie, on ne peut pas rentrer par hasard. En Europe, la porte est une sortie sortilèges. C’est un exercice de curiosité appliquée.
Pascal DIBIE pourrait devenir le maître de maison des musées d’Avignon, ce passe-partout des objets peut nous raconter le bottin, qu’il en dénouerait un autre fil pour tisser ce qu’est notre société.
À lire et suivre absolument.
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Pascal Dibie : podcasts et actualités | Radio France
Programmation Musée Angladon et son exposition d’été jusqu’au 3 novembre » Curiosité, voyage dans nos réserves »
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